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LA JOIE DE VIVRE.

au moins… Seulement, elle est si ennuyeuse, ma tante Léonie !

Chanteau finissait par rire de ces espiègleries de grande fille caressante. Cependant, sans qu’il osât l’avouer devant sa femme, tout son cœur était pour Pauline, qui le soignait d’une main si légère. Et il se replongeait dans son journal, dès que madame Chanteau, perdue au fond de ses réflexions, en sortait brusquement, comme d’un rêve.

— Vois-tu, il y a une chose que je ne lui pardonne pas, c’est de m’avoir pris mon fils… Il reste à peine un quart d’heure à table. On se parle toujours en courant.

— Cela va cesser, faisait remarquer Louise. Il faut bien que quelqu’un veille près d’elle.

La mère hochait la tête. Ses lèvres se pinçaient. Les paroles qu’elle semblait vouloir retenir sortaient quand même.

— Possible ! mais c’est drôle, un garçon toujours avec une fille malade… Ah ! je ne l’ai pas mâché, j’ai dit ce que j’en pensais, tant pis s’il arrive des ennuis !

Et, devant les regards embarrassés de Louise, elle ajoutait :

— D’ailleurs, ce n’est guère bon à respirer, l’air de cette chambre. Elle pourrait très bien lui donner son mal de gorge… Ces jeunes filles qui paraissent si grasses, ont quelquefois toutes sortes de vices dans le sang. Veux-tu que je te le dise ? eh bien ! moi, je ne la crois pas saine.

Louise, doucement, continuait à défendre son amie. Elle la trouvait si gentille ! et c’était là son argument unique, qui répondait aux accusations de mauvais cœur et de mauvaise santé. Un besoin de