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LA JOIE DE VIVRE.

Tu ne m’en prives pas, j’en ai de tous les âges.

Et, lorsque Louise était enfin au lit, elle ne pouvait fermer les yeux, sous l’obsession de ce garçon que sa mère lui poussait ainsi dans les bras. Elle se retournait, brûlée d’insomnie, le voyait se détacher des ténèbres, avec sa peau blanche. Souvent elle prêtait l’oreille, pour écouter s’il ne marchait pas, à l’étage supérieur ; et l’idée qu’il veillait sans doute encore près de Pauline couchée, redoublait sa fièvre, au point qu’elle devait rejeter le drap et s’endormir la gorge nue.

En haut, la convalescence marchait lentement. Bien que la malade fût hors de danger, elle restait très faible, épuisée par des accès de fièvre qui étonnaient le médecin. Comme le disait Lazare, les médecins étaient toujours étonnés. Lui, à chaque heure, devenait plus irritable. La brusque lassitude qu’il avait éprouvée dès la fin de la crise, semblait augmenter, tournait à une sorte de malaise inquiet. Maintenant qu’il ne se battait plus contre la mort, il souffrait de la chambre sans air, des cuillerées de potion qu’il devait donner à heure fixe, de toutes les misères de la maladie, dont il avait d’abord pris sa part si ardemment. Elle pouvait se passer de lui, et il retombait dans l’ennui de son existence vide, un ennui qui le laissait les mains ballantes, changeant de siège, se promenant avec des regards désespérés aux quatre murs, s’oubliant devant la fenêtre, sans rien voir. Dès qu’il ouvrait un livre pour lire à côté d’elle, il étouffait des bâillements entre les pages.

— Lazare, dit un jour Pauline, tu devrais sortir. Véronique suffirait.

Il refusa violemment. Elle ne pouvait donc plus le