Page:Emile Zola - La Joie de vivre.djvu/307

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la maison retentissait d’une joie trop grosse, où l’on sentait l’angoisse d’une misère cachée.

Un jour, comme Lazare et Louise étaient allés seuls à Verchemont, Pauline, ayant besoin d’une recette pour rafraîchir du velours, monta fouiller la grande armoire de son cousin, où elle croyait l’avoir vue, sur un bout de papier, entre les deux feuillets d’un livre. Et là, parmi des brochures, elle découvrit le vieux gant de son amie, ce gant oublié dont il s’était grisé si souvent, jusqu’à une sorte d’hallucination charnelle. Ce fut pour elle un trait de lumière, elle reconnut l’objet qu’il avait caché avec un si grand trouble, le soir où elle était montée brusquement lui dire qu’on se mettait à table. Elle tomba sur une chaise, comme achevée par cette révélation. Mon Dieu ! il voulait déjà cette fille avant qu’elle revînt, il vivait avec elle, il avait usé ce chiffon de ses lèvres, parce qu’il gardait un peu de son odeur ! De gros sanglots la secouèrent, tandis que ses yeux noyés restaient fixés sur le gant, qu’elle tenait toujours dans ses mains tremblantes.

— Eh bien ! mademoiselle, l’avez-vous trouvée ? demanda du palier la voix forte de Véronique, qui montait à son tour. Je vous dis que le meilleur moyen est de le frotter avec une couenne de lard.

Elle entra, et ne comprit pas d’abord, en la voyant en larmes, les doigts crispés sur ce vieux gant. Mais elle flaira la chambre, elle finit par deviner la cause de ce désespoir.

— Dame ! reprit-elle de l’air brutal qu’elle prenait de plus en plus, vous deviez bien vous attendre à ce qui arrive… Je vous avais prévenue autrefois. Vous les remettez ensemble, ils s’amusent… et puis, peut-être