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LA JOIE DE VIVRE.

on ne la voyait toujours plus, elle semblait avoir noyé de flots d’encre le petit village, les rochers de la côte, l’horizon entier. C’était, pour l’enfant, une surprise douloureuse. Cette eau qui lui avait paru si belle et qui se jetait sur le monde !

— Je descends avec vous, Prouane, s’écria Lazare. Peut-être y a-t-il quelque chose à faire.

— Oh ! oui, mon cousin ! murmura Pauline dont les yeux brillaient.

Mais l’homme secoua la tête.

— Pas la peine de vous déranger, monsieur Lazare. Vous n’en feriez pas davantage que les camarades. Nous sommes là, à la regarder nous démolir tant que ça lui plaira ; et, quand ça ne lui plaira plus, eh bien ! nous aurons encore à la remercier… J’ai simplement voulu prévenir monsieur le maire.

Alors, Chanteau se fâcha, ennuyé de ce drame qui allait lui gâter sa nuit et dont il aurait à s’occuper le lendemain.

— Aussi, cria-t-il, on n’a pas idée d’un village bâti aussi bêtement ! Vous vous êtes fourrés sous les vagues, ma parole d’honneur ! ce n’est pas étonnant si la mer avale vos maisons une à une… Et, d’ailleurs, pourquoi restez-vous dans ce trou ? On s’en va.

— Où donc ? demanda Prouane, qui écoutait d’un air stupéfait. On est là, monsieur, on y reste… Il faut bien être quelque part.

— Ça, c’est une vérité, conclut madame Chanteau. Et, voyez-vous, là ou plus loin, on a toujours du mal… Nous montions nous coucher. Bonsoir. Demain, il fera clair.

L’homme s’en alla en saluant, et l’on entendit Véronique mettre les verrous derrière lui. Chacun tenait son bougeoir, on caressa encore Mathieu et la