Page:Emile Zola - La Joie de vivre.djvu/403

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

donnant à respirer un flacon d’éther, s’inquiétait surtout de voir que le travail ne se faisait plus. Elle en causait à voix basse avec le docteur, qui reprit tout haut :

— Je m’y attendais. Il faut que je l’aide.

Et, s’adressant à l’accouchée :

— Ne vous retenez pas, faites valoir vos douleurs. Si vous me secondez un peu, vous verrez comme tout marchera bien.

Mais elle eut un geste, pour dire qu’elle était sans force. On l’entendit à peine balbutier :

— Je ne sens plus une seule partie de mon corps.

— Pauvre chérie, dit Pauline en l’embrassant. Tu es au bout de tes peines, va !

Déjà, le docteur s’était remis à genoux. Les deux femmes, de nouveau, maintenaient les cuisses, tandis que Véronique lui passait des linges tièdes. Il avait enveloppé les petits pieds, il tirait lentement, dans une traction douce et continue ; et ses doigts remontaient à mesure que l’enfant descendait, il le prenait aux chevilles, aux mollets, aux genoux, saisissant à la sortie chaque partie nouvelle. Quand les hanches apparurent, il évita toute pression sur le ventre, il contourna les reins, agit des deux mains sur les aines. Le petit coulait toujours, élargissant le bourrelet des chairs rosâtres, dans une tension croissante. Mais la mère, jusque-là docile, se débattit brusquement, sous les douleurs dont elle se trouvait reprise. Ce n’étaient plus seulement des efforts, tout son corps s’ébranlait, il lui semblait qu’on la fendait à l’aide d’un couperet très lourd, comme elle avait vu séparer les bœufs, dans les boucheries. Sa rébellion éclata si violente, qu’elle échappa à sa cousine, et que l’enfant glissa des mains du docteur.