Page:Emile Zola - La Joie de vivre.djvu/420

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— S’il est possible ! s’absenter si longtemps ! Mon père me l’écrivait hier, le reste de notre argent y passera.

En effet, Lazare s’était déjà laissé voler dans deux affaires malheureuses, au point que Pauline, inquiète pour l’enfant, lui avait, comme marraine, fait le cadeau des deux tiers de ce qu’elle possédait encore, en prenant sur sa tête une assurance qui devait lui donner cent mille francs, le jour de sa majorité. Elle n’avait plus que cinq cents francs de rente, son seul chagrin était de restreindre ses aumônes accoutumées.

— Une jolie spéculation que ces engrais ! poursuivait Louise. Mon père l’en aura dissuadé, et s’il ne rentre pas, c’est qu’il s’amuse… Oh ! ça, je m’en moque, il peut bien courir !

— Alors, pourquoi te fâches-tu ? répliqua Pauline. Va, le pauvre garçon ne songe guère au mal… Descends, n’est-ce pas ? A-t-on idée de cette Véronique qui disparaît un samedi et qui me laisse toute sa cuisine sur les bras !

C’était une aventure inexplicable, qui occupait la maison depuis deux heures. La bonne avait épluché ses légumes pour le ragoût, plumé et troussé un canard, préparé jusqu’à sa viande dans une assiette ; puis, brusquement, elle était comme rentrée sous terre, on ne l’avait plus revue. Pauline s’était enfin décidée à mettre elle-même le ragoût au feu, stupéfiée de cette disparition.

— Elle n’a donc pas reparu ? demanda Louise, distraite de sa colère.

— Mais non ! répondit la jeune fille. Tu ne sais pas ce que je suppose, maintenant ? Elle a payé son canard quarante sous à une femme qui passait, et je