Page:Emile Zola - La Terre.djvu/124

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
124
LES ROUGON-MACQUART.

d’horreur qu’on ne raconte, depuis que vous venez ici… La semaine dernière, n’est-ce pas ? vous avez fait cadeau à l’une et à l’autre de foulards, qu’on leur a vus dimanche, à la messe… C’est trop sale, ils affirment que vous couchez avec les deux !

Du coup, tremblant, mais résolu, Jean se leva et dit :

— Écoutez, la mère, je vas répondre devant vous, ça ne m’embarrasse pas… Oui, je vas demander à Lise, si elle veut que je l’épouse… Vous entendez, Lise ? je vous demande, et si vous dites oui, vous me rendrez bien content.

Justement, elle vidait son pot dans le cuvier. Mais elle ne se pressa pas, acheva d’arroser soigneusement le linge ; puis, les bras nus et moites de vapeur, devenue grave, elle le regarda en face.

— Alors, c’est sérieux ?

— Très sérieux.

Elle n’en paraissait point surprise. C’était une chose naturelle. Seulement, elle ne disait ni oui ni non, elle avait sûrement une idée qui la gênait.

— Faudrait pas dire non, à cause de la Cognette, reprit-il, parce que la Cognette…

Elle l’interrompit d’un geste, elle savait bien que ça ne tirait pas à conséquence, la gaudriole à la ferme.

— Il y a encore que je n’ai absolument que ma peau à vous apporter, tandis que vous possédez cette maison et de la terre.

De nouveau, elle fit un geste pour dire que, dans sa position, avec un enfant, elle pensait comme lui que les choses se compensaient.

— Non, non, ce n’est pas tout ça, déclara-t-elle enfin. Seulement, c’est Buteau…

— Puisqu’il ne veut pas.

— Bien sûr, et l’amitié n’y est plus, car il s’est trop mal conduit… Mais, tout de même, il faut consulter Buteau.

Jean réfléchit une grande minute. Puis, sagement :

— Comme vous voudrez… Ça se doit, par rapport à l’enfant.