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LA TERRE.

eût resplendi quelque part, à des lieues. C’était sur cette échancrure blême que se détachait le clocher de Rognes, tandis que le village dévalait, caché dans le pli invisible du vallon de l’Aigre. Mais, vers Chartres, au nord, la ligne plate de l’horizon gardait sa netteté de trait d’encre coupant un lavis, entre l’uniformité terreuse du vaste ciel et le déroulement sans bornes de la Beauce. Depuis le déjeuner, le nombre de semeurs semblait y avoir grandi. Maintenant, chaque parcelle de la petite culture avait le sien, ils se multipliaient, pullulaient comme de noires fourmis laborieuses, mises en l’air par quelque gros travail, s’acharnant sur une besogne démesurée, géante à côté de leur petitesse ; et l’on distinguait pourtant, même chez les plus lointains, le geste obstiné, toujours le même, cet entêtement d’insectes en lutte avec l’immensité du sol, victorieux à la fin de l’étendue et de la vie.

Jusqu’à la nuit tombée, Jean sema. Après le champ du Poteau, ce fut celui des Rigoles et celui des Quatre-Chemins. Il allait, il venait, à longs pas rythmés dans les labours ; et le blé de son semoir s’épuisait, la semence derrière lui fécondait la terre.