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LES ROUGON-MACQUART.

bler, parole d’honneur !… Quel coup, si madame Charles était ici !

Justement, à cette minute, comme il jetait un regard par la fenêtre, il aperçut l’enfant, cédant à une curiosité, le pied sur le premier échelon. Il se précipita, il lui cria d’une voix étranglée d’angoisse, comme s’il l’avait vue au bord d’un gouffre.

— Élodie ! Élodie ! descends, éloigne-toi, pour l’amour de Dieu !

Ses jambes se cassaient, il se laissa tomber dans un fauteuil, en continuant à se lamenter sur le dévergondage des bonnes. Est-ce qu’il n’en avait pas surpris une, au fond du poulailler, montrant à la petite comment les poules avaient le derrière fait ! C’était déjà assez de tracas, dehors, d’avoir à lui épargner les grossièretés des paysans et le cynisme des animaux : il perdait courage, s’il devait trouver, dans sa maison, un foyer constant d’immoralité.

— La voici qui rentre, dit-il brusquement. Vous allez voir.

Il sonna, et il reçut Honorine assis, sévèrement, ayant par un effort recouvré son calme digne.

— Mademoiselle, faites votre malle, et partez tout de suite. Je vous payerai vos huit jours.

La bonne, chétive, maigrichonne, l’air pauvre et honteux, voulut s’expliquer, bredouiller des excuses.

— Inutile, tout ce que je puis faire, c’est de ne pas vous livrer aux autorités pour attentat aux mœurs.

Alors, elle se révolta.

— Dites, c’est donc qu’on a oublié de payer la passe !

Il se leva tout droit, très grand, et la chassa d’un geste souverain, le doigt tendu vers la porte. Puis, quand elle fut partie, il se soulagea brutalement.

— A-t-on idée de cette putain qui déshonorait ma maison !

— Sûr, c’en est une, ah ! une vraie ! répétèrent complaisamment Lise et Buteau.

Et ce dernier reprit :