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LES ROUGON-MACQUART.

Le vieux, après s’être battu avec un grand parapluie bleu, entra, en laissant ses sabots sur le seuil.

— Fameux coup d’arrosoir, dit-il simplement. Fallait ça.

Depuis un an que le partage était définitivement consommé, signé, enregistré, il n’avait plus qu’une occupation, celle d’aller revoir ses anciennes pièces. On le rencontrait toujours rôdant autour d’elles, s’intéressant, triste ou gai selon l’état des récoltes, gueulant contre ses enfants, parce que ce n’était plus ça, que c’était leur faute, si rien ne marchait. Cette pluie le ragaillardissait, lui aussi.

— Et alors, reprit Buteau, vous entrez nous voir, en passant ?

Françoise, muette jusque-là, s’avança et dit d’une voix nette :

— Non, c’est moi qui ai prié mon oncle de venir.

Lise, debout devant la table, en train d’écosser des pois, lâcha la besogne, attendit, les bras ballants, le visage subitement dur. Buteau, qui avait d’abord fermé les poings, reprenait son air de rire, résolu à ne pas se fâcher.

— Oui, expliqua lentement le vieux, la petite a causé avec moi, hier… Vous voyez si j’avais raison de vouloir régler les affaires tout de suite. Chacun sa part, on ne se brouille pas pour ça : au contraire, ça empêche les disputes… Et, à cette heure, faut bien en finir. C’est son droit, n’est-ce pas ? d’être fixée sur ce qui lui revient. Moi, je serais répréhensible… Alors, donc, nous allons dire un jour et nous irons tous ensemble chez monsieur Baillehache.

Mais Lise ne put se contenir davantage.

— Pourquoi ne nous envoie-t-elle pas les gendarmes ? On dirait qu’on la vole, bon sang !… Est-ce que je raconte dehors, moi, qu’elle est un vrai bâton merdeux, à ne pas savoir par quel bout la prendre ?

Françoise allait répondre sur ce ton, lorsque Buteau, qui l’avait saisie par-derrière, comme pour jouer, s’écria :

— En v’là des bêtises !… On s’asticote, mais on s’aime