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LES ROUGON-MACQUART.

l’adjoint Macqueron ménageait les prêtres, par de sourdes visées ambitieuses. Et l’abbé, n’ayant désormais aucun ménagement à garder, traitait Rognes durement, ne lui accordait du culte que le strict nécessaire, sans gâteries de prières en plus, de cierges et d’encens brûlés pour le plaisir. Aussi vivait-il dans de continuelles querelles avec les femmes. En juin surtout, une véritable bataille s’était livrée, à propos de la première communion. Cinq enfants, deux filles et trois garçons, suivaient le catéchisme qu’il faisait le dimanche, après la messe ; et, comme il lui aurait fallu revenir pour les confesser, il avait exigé qu’ils vinssent eux-mêmes le trouver à Bazoches-le-Doyen. De là, une première révolte des femmes : merci ! trois quarts de lieue pour l’aller, autant pour le retour ! est-ce qu’on savait comment ça tournait, dès que des garçons et des filles couraient ensemble ? Puis, l’orage éclata, terrible, lorsqu’il refusa nettement de célébrer à Rognes la cérémonie, la grand’messe chantée et le reste. Il entendait la célébrer dans sa paroisse, les cinq enfants étaient libres de s’y rendre, s’ils en avaient le désir. Pendant quinze jours, à la fontaine, les femmes en bégayèrent de colère : quoi donc ! il les baptisait, il les mariait, il les enterrait chez eux, et il ne voulait pas les y faire communier proprement ! Il s’obstina, ne dit qu’une messe basse, expédia les cinq communiants, n’ajouta pas une fleur, pas un oremus de consolation ; même il brutalisa les femmes, quand, vexées aux larmes de cette solennité bâclée ainsi, elles le supplièrent de chanter les vêpres. Rien du tout ! il leur donnait ce qu’il leur devait, elles auraient eu la grand’messe, les vêpres, tout enfin, à Bazoches, si leur mauvaise tête ne les avait pas mises en rébellion contre Dieu. Depuis cette brouille, une rupture était imminente entre l’abbé Godard et Rognes, le moindre heurt allait amener la catastrophe.

Lorsque Lise se rendit chez le curé, pour le baptême de sa petite, il parla de le fixer au dimanche, après la messe. Mais elle le pria de revenir le mardi, à deux heures, car la marraine ne rentrerait de Chartres que ce jour-là, dans la