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LES ROUGON-MACQUART.

La voix lente du père Soulas s’éleva.

— Eh bien, garçon ?

Les chiens, étendus à terre, n’avaient pas bougé, flairant un homme de la ferme. Chassé de la cabane roulante par la chaleur, le petit porcher dormait dans un sillon. Et, seul, le berger restait debout, au milieu de la plaine rase, noyée de nuit.

— Eh bien, garçon, est-ce fait ?

Sans même s’arrêter, Jean répondit :

— Il a dit que, si la fille est grosse, on verra.

Déjà, il avait dépassé le parc, lorsque cette réponse du vieux Soulas lui arriva, grave dans le vaste silence :

— C’est juste, faut attendre.

Et il continua sa route. La Beauce, à l’infini, s’étendait, écrasée sous un sommeil de plomb. On en sentait la désolation muette, les chaumes brûlés, la terre écorchée et cuite, à une odeur de roussi, à la chanson des grillons qui crépitaient comme des braises dans de la cendre. Seules, des ombres de meules bossuaient cette nudité morne. Toutes les vingt secondes, au ras de l’horizon, les éclairs traçaient une raie violâtre, rapide et triste.