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LES ROUGON-MACQUART.

debout, qui regardait et laissait faire ; pendant que son homme, vautré, jeté de côté à chaque seconde, s’épuisait en vain, se satisfaisait quand même, au petit bonheur, n’importe où.

Quand ce fut fini, Françoise, d’une dernière secousse, put se dégager, râlante, bégayante.

— Cochon ! cochon ! cochon !… Tu n’as pas pu, ça ne compte pas… Je m’en fiche, de ça ! jamais tu n’y arriveras, jamais !

Elle triomphait, elle avait pris une poignée d’herbe et elle s’en essuyait la jambe, dans un tremblement de tout son corps, comme si elle se fût contentée elle-même un peu, à cette obstination de refus. D’un geste de bravade, elle jeta la poignée d’herbe aux pieds de sa sœur.

— Tiens ! c’est à toi… Ce n’est pas ta faute si je te le rends !

Lise, d’une gifle, lui fermait la bouche, lorsque le père Fouan, qui avait quitté le banc de pierre, révolté, intervint en brandissant sa canne.

— Bougres de saligots, tous les deux ! voulez-vous bien la laisser tranquille !… En v’là assez, hein ?

Des lumières paraissaient chez les voisins, on commençait à s’inquiéter de cette tuerie, et Buteau se hâta de pousser son père et la petite au fond de la cuisine, où une chandelle éclairait Laure et Jules terrifiés, réfugiés dans un coin. Lise rentra aussi, saisie et muette depuis que le vieux était sorti de l’ombre. Il continuait, s’adressant à elle :

— Toi, c’est trop dégoûtant et trop bête… Tu regardais, je t’ai vue.

Buteau, de toute sa force, allongea un coup de poing au bord de la table.

— Silence ! c’est fini… Je cogne sur le premier qui continue.

— Et si je veux continuer, moi ! demanda Fouan, la voix tremblante, est-ce que tu cogneras ?

— Sur vous comme sur les autres… Vous m’embêtez !

Françoise, bravement, s’était mise entre eux.