Page:Emile Zola - La Terre.djvu/314

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III


Jésus-Christ était très venteux, de continuels vents soufflaient dans la maison et la tenaient en joie. Non, fichtre ! on ne s’embêtait pas chez le bougre, car il n’en lâchait pas un sans l’accompagner d’une farce. Il répudiait ces bruits timides, étouffés entre deux cuirs, fusant avec une inquiétude gauche ; il n’avait jamais que des détonations franches, d’une solidité et d’une ampleur de coups de canon ; et, chaque fois, la cuisse levée, dans un mouvement d’aisance et de crânerie, il appelait sa fille, d’une voix pressante de commandement, l’air sévère.

— La Trouille, vite ici, nom de Dieu !

Elle accourait, le coup partait, faisait balle dans le vide, si vibrant, qu’elle en sautait.

— Cours après ! et passe-le entre tes dents, voir s’il y a des nœuds !

D’autres fois, quand elle arrivait, il lui donnait sa main.

— Tire donc, chiffon ! faut que ça craque !

Et, dès que l’explosion s’était produite, avec le tumulte et le bouillonnement d’une mine trop bourrée :

— Ah ! c’est dur, merci tout de même !

Ou encore il mettait en joue un fusil imaginaire, visait longuement ; puis, l’arme déchargée :

— Va chercher, apporte, feignante !

La Trouille suffoquait, tombait sur son derrière, tant elle riait. C’était une gaieté toujours renouvelée et grandissante : elle avait beau connaître le jeu, s’attendre au tonnerre final, il l’emportait quand même dans le comique vivace de sa turbulence. Oh ! ce père, était-il assez rigolo ! Tantôt, il parlait d’un locataire qui ne payait pas son