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LA TERRE.

net, à une trentaine de pas. Toute sa lamentable personne, noire, sale et correcte, tremblait de peur.

— Monsieur Jésus-Christ, dit-il d’une petite voix grêle, je viens pour l’affaire, vous savez… Et je mets ça là. Bien le bonsoir !

Il avait déposé le papier timbré sur une pierre, il s’en allait déjà à reculons, vivement, lorsque l’autre cria :

— Nom de Dieu de chieur d’encre, faut-il qu’on t’apprenne la politesse !… Veux-tu bien m’apporter ton papier !

Et, comme le misérable, immobilisé, effaré, n’osait plus ni avancer, ni reculer d’une semelle, il le mit en joue.

— Je t’envoie du plomb, si tu ne te dépêches pas… Allons, reprends ton papier, et arrive… Plus près, plus près, mais plus près donc, foutu capon, ou je tire !

Glacé, blême, l’huissier chancelait sur ses courtes jambes. Il implora d’un regard le père Fouan. Celui-ci continuait de fumer tranquillement sa pipe, dans sa rancune féroce contre les frais de justice et l’homme qui les incarne, aux yeux des paysans.

— Ah ! nous y sommes enfin, ce n’est pas malheureux. Donne-moi ton papier. Non ! pas du bout des doigts, comme à regret. Poliment, nom de Dieu ! et de bon cœur… Là ! tu es gentil.

Vimeux, paralysé par les ricanements de ce grand bougre, attendait en battant des paupières, sous la menace de la farce, du coup de poing ou de la gifle, qu’il sentait venir.

— Maintenant, retourne-toi.

Il comprit, ne bougea pas, serra les fesses.

— Retourne-toi ou je te retourne !

Il vit bien qu’il fallait se résigner. Lamentable, il se tourna, il présenta de lui-même son pauvre petit derrière de chat maigre. L’autre, alors, prenant son élan, lui planta son pied au bon endroit, si raide, qu’il l’envoya tomber sur le nez, à quatre pas. Et l’huissier, qui se relevait péniblement, se mit à galoper, éperdu, en entendant ce cri :