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IV


On était aux premiers jours d’octobre, les vendanges allaient commencer, belle semaine de godaille, où les familles désunies se réconciliaient d’habitude, autour des pots de vin nouveau. Rognes puait le raisin pendant huit jours ; on en mangeait tant, que les femmes se troussaient et les hommes posaient culotte, au pied de chaque haie ; et les amoureux, barbouillés, se baisaient à pleine bouche, dans les vignes. Ça finissait par des hommes soûls et des filles grosses.

Dès le lendemain de leur retour de Cloyes, Jésus-Christ se mit à chercher le magot ; car le vieux ne promenait peut-être pas sur lui son argent et ses titres, il devait les serrer dans quelque trou. Mais la Trouille eut beau aider son père, ils retournèrent la maison sans rien trouver d’abord, malgré leur malice et leur nez fin de maraudeurs ; et ce fut seulement la semaine suivante, que le braconnier, par hasard, en descendant d’une planche une vieille marmite fêlée, dont on ne se servait plus, y découvrit, sous des lentilles, un paquet de papiers, enveloppé soigneusement dans la toile gommée d’un fond de chapeau. Du reste, pas un écu. L’argent, sans doute, dormait ailleurs : un fameux tas, puisque le père, depuis cinq ans, ne dépensait rien. C’étaient bien les titres, il y avait trois cents francs de rente, en cinq pour cent. Comme Jésus-Christ les comptait, les flairait, il découvrit une autre feuille, un papier timbré, couvert d’une grosse écriture, dont la lecture le stupéfia. Ah ! nom de Dieu ! voilà donc où passait l’argent !

Une histoire à crever ! Quinze jours après avoir partagé son bien chez le notaire, Fouan était tombé malade,