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LA TERRE.

la maison étaient là, en robe sombre, l’air comme il faut, ainsi que le mot en courut le soir dans Chartres. Une d’elles pleura même au cimetière. Enfin, de ce côté, M. Charles n’eut que de la satisfaction. Mais, le lendemain, comme il souffrit, lorsqu’il questionna son gendre, Hector Vaucogne, et qu’il visita la maison ! Elle avait déjà perdu de son éclat, on sentait que la poigne d’un homme y manquait, à toutes sortes de licences, que lui n’aurait jamais tolérées, de son temps. Il constata pourtant avec plaisir que la bonne attitude des cinq femmes, au convoi, les avait fait si avantageusement connaître en ville, que l’établissement ne désemplit pas de la semaine. En quittant le 19, la tête bourrelée d’inquiétudes, il ne le cacha point à Hector : maintenant que la pauvre Estelle n’était plus là pour mener la barque, c’était à lui de se corriger, de mettre sérieusement la main à la pâte, s’il ne voulait pas manger la fortune de sa fille.

Tout de suite, Buteau les pria de venir vendanger, eux aussi. Mais ils refusèrent, à cause de leur deuil. Ils avaient des figures mélancoliques, des gestes lents. Tout ce qu’ils acceptèrent, ce fut d’aller goûter au vin nouveau.

— Et c’est pour distraire cette pauvre petite, déclara madame Charles. Elle a si peu d’amusements ici, depuis que nous l’avons retirée du pensionnat ! Que voulez-vous ? elle ne peut toujours rester en classe.

Élodie écoutait, les yeux baissés, les joues envahies de rougeur, sans raison. Elle était devenue très grande, très mince, d’une pâleur de lis qui végète à l’ombre.

— Alors, qu’est-ce que vous allez en faire, de cette grande jeunesse-là ? demanda Buteau.

Elle rougit davantage, tandis que sa grand’mère répondait :

— Dame ! nous ne savons guère… Elle se consultera, nous la laisserons bien libre.

Mais Fouan, qui avait pris M. Charles à part, lui demanda d’un air d’intérêt :

— Ça va-t-il, le commerce ?

La mine désolée, il haussa les épaules.