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LA TERRE.

parole militaire ; et le vieux Fouan, les yeux écarquillés, avait l’air de dire que c’était là un homme ; et Lequeu lui-même, si impassible d’ordinaire, était devenu très rouge, sans qu’on sût, à la vérité, s’il prenait du plaisir ou s’il enrageait. Il n’y avait que les deux canailles, Jésus-Christ et son ami Canon, pleins d’un évident mépris, si supérieurs, du reste, qu’ils se contentaient de ricaner et de hausser les épaules.

Dès qu’il eut parlé, M. Rochefontaine se dirigea vers la porte. L’adjoint eut un cri de désolation.

— Comment ! monsieur, vous ne nous ferez pas l’honneur de boire un verre ?

— Non, merci, je suis en retard déjà… On m’attend à Magnolles, à Bazoches, à vingt endroits. Bonsoir !

Du coup, Berthe ne l’accompagna même pas ; et, de retour dans la mercerie, elle dit à Françoise :

— En voilà un mal poli ! C’est moi qui renommerais l’autre, le vieux !

M. Rochefontaine venait de remonter dans son landau, lorsque les claquements de fouet lui firent tourner la tête. C’était Hourdequin, qui arrivait dans son cabriolet modeste, que conduisait Jean. Le fermier n’avait appris la visite de l’usinier à Rognes que par hasard, un de ses charretiers ayant rencontré le landau sur la route ; et il accourait pour voir le péril en face, d’autant plus inquiet que, depuis huit jours, il pressait M. de Chédeville de faire acte de présence, sans pouvoir l’arracher à quelque jupon sans doute, peut-être la jolie huissière.

— Tiens ! c’est vous ! cria-t-il gaillardement à M. Rochefontaine. Je ne vous savais pas déjà en campagne.

Les deux voitures s’étaient rangées roue à roue. Ni l’un ni l’autre ne descendirent, et ils causèrent quelques minutes, après s’être penchés pour se donner une poignée de main. Ils se connaissaient, ayant parfois déjeuné ensemble chez le maire de Châteaudun.

— Vous êtes donc contre moi ? demanda brusquement M. Rochefontaine, avec sa rudesse.

Hourdequin, qui, à cause de sa situation de maire,