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LA TERRE.

qu’il courait les prendre, elle le devança, ouvrit le tiroir, jeta un hurlement de douleur.

— L’argent ! ce nom de Dieu a volé l’argent, cette nuit !

Et, dès lors, Jean fut perdu, ayant à protéger sa poche. Il criait que l’argent lui appartenait, qu’il voulait bien faire les comptes et qu’on lui en redevrait, sûrement. Mais la femme et l’homme ne l’écoutaient pas, la femme s’était ruée, cognait plus fort que l’homme. D’une poussée folle, il fut délogé de la chambre, ramené dans la cuisine, où ils tournèrent tous les trois en une masse confuse, rebondissante aux angles des meubles. À coups de pied, il se débarrassa de Lise. Elle revint, lui enfonça ses ongles dans la nuque, tandis que Buteau, prenant son élan, tapant de la tête ainsi que d’un bélier, l’envoyait s’étaler dehors, sur la route.

Ils restèrent là, ils bouchèrent la porte de leurs corps, clamant :

— Voleur qui a volé notre argent !… Voleur ! voleur ! voleur !

Jean, après s’être ramassé, répondit, dans un bégayement de souffrance et de colère :

— C’est bon, j’irai chez le juge, à Châteaudun, et il me fera rentrer chez moi, et je vous poursuivrai en justice pour des dommages-intérêts… Au revoir !

Il eut un dernier geste de menace, il disparut, en montant vers la plaine. Quand la famille avait vu qu’on se tapait, elle s’en était prudemment allée, à cause des procès possibles.

Alors, les Buteau eurent un cri sauvage de victoire. Enfin, ils l’avaient donc foutu à la rue, l’étranger, l’usurpateur ! Et ils y étaient rentrés, dans la maison, ils disaient bien qu’ils y rentreraient ! La maison ! la maison ! à cette idée qu’ils s’y retrouvaient, dans la vieille maison patrimoniale, bâtie jadis par un ancêtre, ils furent pris d’un coup de folie joyeuse, ils galopèrent au travers des pièces, gueulèrent à s’étrangler, pour le plaisir de gueuler chez eux. Les enfants, Laure et Jules, accoururent, battirent du