Page:Emile Zola - Le Docteur Pascal.djvu/10

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— C’est madame Félicité.

Vivement, la vieille madame Rougon entra. Malgré ses quatre-vingts ans, elle venait de monter l’escalier avec une légèreté de jeune fille ; et elle restait la cigale brune, maigre et stridente d’autrefois. Très élégante maintenant, vêtue de soie noire, elle pouvait encore être prise, par derrière, grâce à la finesse de sa taille, pour quelque amoureuse, quelque ambitieuse courant à sa passion. De face, dans son visage séché, ses yeux gardaient leur flamme, et elle souriait d’un joli sourire, quand elle le voulait bien.

— Comment, c’est toi, grand’mère ! s’écria Clotilde, en marchant à sa rencontre. Mais il y a de quoi être cuit, par ce terrible soleil !

Félicité, qui la baisait au front, se mit à rire.

— Oh ! le soleil, c’est mon ami !

Puis, trottant à petits pas rapides, elle alla tourner l’espagnolette d’un des volets.

— Ouvrez donc un peu ! c’est trop triste, de vivre ainsi dans le noir… Chez moi, je laisse le soleil entrer.

Par l’entre-bâillement, un jet d’ardente lumière, un flot de braises dansantes pénétra. Et l’on aperçut, sous le ciel d’un bleu violâtre d’incendie, la vaste campagne brûlée, comme endormie et morte dans cet anéantissement de fournaise ; tandis que, sur la droite, au-dessus des toitures roses, se dressait le clocher de Saint-Saturnin, une tour dorée, aux arêtes d’os blanchis, dans l’aveuglante clarté.

— Oui, continuait Félicité, j’irai sans doute tout à l’heure aux Tulettes, et je voulais savoir si vous aviez Charles, afin de l’y mener avec moi… Il n’est pas ici, je vois ça. Ce sera pour un autre jour.

Mais, tandis qu’elle donnait ce prétexte à sa visite, ses