Page:Emile Zola - Le Docteur Pascal.djvu/101

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le vestibule. Il s’y engouffra derrière elle, franchit l’escalier, se heurta contre la porte de sa chambre, dont elle poussait violemment les verrous. Et là, il se calma, s’arrêta d’un rude effort, résistant à l’envie de crier, de l’appeler encore, d’enfoncer cette porte pour la ravoir, la convaincre, la garder toute à lui. Un moment, il resta immobile, devant le silence de la chambre, d’où pas un souffle ne sortait. Sans doute, jetée en travers du lit, elle étouffait dans l’oreiller ses cris et ses sanglots. Il se décida enfin à redescendre fermer la porte du vestibule, remonta doucement écouter s’il ne l’entendait pas se plaindre ; et le jour naissait, lorsqu’il se coucha, désespéré, étranglé de larmes.

Dès lors, ce fut la guerre sans merci. Pascal se sentit épié, traqué, menacé. Il n’était plus chez lui, il n’avait plus de maison : l’ennemie était là sans cesse, qui le forçait à tout craindre, à tout enfermer. Coup sur coup, deux fioles de la substance nerveuse qu’il fabriquait, furent ramassées en morceaux ; et il dut se barricader dans sa chambre, on l’y entendait assourdir le bruit de son pilon, sans qu’il se montrât même aux heures des repas. Il n’emmenait plus Clotilde, les jours de visite, parce qu’elle décourageait les malades, par son attitude d’incrédulité agressive. Seulement, dès qu’il sortait, il n’avait qu’une hâte, celle de rentrer vite, car il tremblait de trouver ses serrures forcées, ses tiroirs saccagés, au retour. Il n’utilisait plus la jeune fille à classer, à recopier ses notes, depuis que plusieurs s’en étaient allées, comme emportées par le vent. Il n’osait même plus l’employer à corriger ses épreuves, ayant constaté qu’elle avait coupé tout un passage dans un article, dont l’idée blessait sa foi catholique. Et elle restait ainsi oisive, rôdant par les pièces, ayant le loisir de vivre à l’affût d’une occasion qui lui livrerait la clef de la grande armoire. Ce devait