Page:Emile Zola - Le Docteur Pascal.djvu/111

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cendant les dossiers à pleins bras, les jetant sur la longue table du milieu, où ils s’entassaient pêle-mêle. Et, fiévreusement, par crainte de n’avoir pas le temps de les brûler, elle était en train d’en faire des paquets, avec l’idée de les cacher, de les envoyer ensuite à sa grand’mère, lorsque la soudaine clarté de la bougie, en l’éclairant toute, venait de l’immobiliser, dans une attitude de surprise et de lutte.

— Tu me voles et tu m’assassines ! répéta furieusement Pascal.

Entre ses bras nus, elle tenait encore un des dossiers. Il voulut le reprendre. Mais elle le serrait de toutes ses forces, obstinée dans son œuvre de destruction, sans confusion ni repentir, en combattante qui a le bon droit pour elle. Alors, lui, aveuglé, affolé, se rua ; et ils se battirent. Il l’avait empoignée, dans sa nudité, il la maltraitait.

— Tue-moi donc ! bégaya-t-elle. Tue-moi, ou je déchire tout !

Mais il la gardait, liée à lui, d’une étreinte si rude, qu’elle ne respirait plus.

— Quand une enfant vole, on la châtie !

Quelques gouttes de sang avaient paru, près de l’aisselle, le long de son épaule ronde, dont une meurtrissure entamait la délicate peau de soie. Et, un instant, il la sentit si haletante, si divine dans l’allongement fin de son corps de vierge, avec ses jambes fuselées, ses bras souples, son torse mince à la gorge menue et dure, qu’il la lâcha. D’un dernier effort, il lui avait arraché le dossier.

— Et tu vas m’aider à les remettre là-haut, tonnerre de Dieu ! Viens ici, commence par les ranger sur la table… Obéis-moi, tu entends !

— Oui, maître !