Page:Emile Zola - Le Docteur Pascal.djvu/131

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qui finit toujours par en sortir, l’humanité vague, obstinée à son labeur mystérieux, en marche vers son but ignoré.

Il s’arrêta, il eut un long soupir.

— Ah ! notre famille, que va-t-elle devenir, à quel être aboutira-t-elle enfin ?

Et il continua, ne comptant plus sur les survivants qu’il avait nommés, les ayant classés, ceux-là, sachant ce dont ils étaient capables, mais plein d’une curiosité vive, au sujet des enfants en bas âge encore. Il avait écrit à un confrère de Nouméa pour obtenir des renseignements précis sur la femme d’Étienne et sur l’enfant dont elle devait être accouchée ; et il ne recevait rien, il craignait bien que, de ce côté, l’Arbre ne restât incomplet. Il était plus documenté, à l’égard des deux enfants d’Octave Mouret, avec lequel il restait en correspondance : la petite fille demeurait chétive, inquiétante, tandis que le petit garçon, qui tenait de sa mère, poussait magnifique. Son plus solide espoir, d’ailleurs, était dans les enfants de Jean, dont le premier-né, un gros garçon, semblait apporter le renouveau, la sève jeune des races qui vont se retremper dans la terre. Il se rendait parfois à Valqueyras, il revenait heureux de ce coin de fécondité, du père calme et raisonnable, toujours à sa charrue, de la mère gaie et simple, aux larges flancs, capables de porter un monde. Qui savait d’où naîtrait la branche saine ? Peut-être le sage, le puissant attendu germerait-il là. Le pis était, pour la beauté de son Arbre, que ces gamins et ces gamines étaient si petits encore, qu’il ne pouvait les classer. Et sa voix s’attendrissait sur cet espoir de l’avenir, ces têtes blondes, dans le regret inavoué de son célibat.

Pascal regardait toujours l’Arbre étalé devant lui. Il s’écria :

— Et pourtant est-ce complet, est-ce décisif, regarde