Page:Emile Zola - Le Docteur Pascal.djvu/161

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que de l’épuisement nerveux. Peut-être, tout de même, finirait-il par s’en tirer.

— Eh ! c’est toi qui me guéris, petite fille, disait-il, sans vouloir avouer son espoir. Les remèdes, vois-tu, ça dépend de la main qui les donne.

La convalescence traîna, durant tout le mois de février. Le temps restait clair et froid, pas un jour le soleil ne cessa de chauffer la salle, de son bain de pâles rayons. Et il y eut pourtant des rechutes de noires tristesses, des heures où le malade retombait à ses épouvantes ; tandis que sa gardienne, désolée, devait aller s’asseoir à l’autre bout de la pièce, pour ne pas l’irriter davantage. De nouveau, il désespérait de la guérison. Il devenait amer, d’une ironie agressive.

Ce fut par un de ces mauvais jours que Pascal, s’étant approché d’une fenêtre, aperçut son voisin, M. Bellombre, le professeur retraité, en train de faire le tour de ses arbres, pour voir s’ils avaient beaucoup de boutons à fruit. La vue du vieillard si correct et si droit, d’un beau calme d’égoïsme, sur lequel la maladie ne semblait avoir jamais eu de prise, le jeta brusquement hors de lui.

— Ah ! gronda-t-il, en voilà un qui ne se surmènera jamais, qui ne risquera jamais sa peau à se faire du chagrin !

Et il partit de là, entama une éloge ironique de l’égoïsme. Être tout seul au monde, n’avoir pas un ami, pas une femme, pas un enfant à soi, quelle félicité ! Ce dur avare qui, pendant quarante ans, n’avait eu qu’à gifler les enfants des autres, qui s’était retiré à l’écart, sans un chien, avec un jardinier muet et sourd, plus âgé que lui, ne représentait-il pas la plus grande somme de bonheur possible sur la terre ? Pas une charge, pas un devoir, pas une préoccupation autre que celle de sa chère santé ! C’était un sage, il vivrait cent ans.