Page:Emile Zola - Le Docteur Pascal.djvu/207

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gence vint peu à peu à tout le monde. On ne pouvait se défendre de les envier et de les aimer, dans une contagion enchantée de tendresse. Ils dégageaient un charme qui retournait les cœurs. La ville neuve, avec sa population bourgeoise de fonctionnaires et d’enrichis, fut la dernière conquise. Le quartier Saint-Marc, malgré son rigorisme, se montra tout de suite accueillant, d’une tolérance discrète, lorsqu’ils suivaient les trottoirs déserts, semés d’herbe, le long des vieux hôtels silencieux et clos, d’où s’exhalait le parfum évaporé des amours d’autrefois. Et ce fut surtout le vieux quartier qui, bientôt, leur fit fête, ce quartier dont le petit peuple, touché dans son instinct, sentit la grâce de légende, le mythe profond du couple, la belle jeune fille soutenant le maître royal et reverdissant. On y adorait le docteur pour sa bonté, sa compagne fut vite populaire, saluée par des gestes d’admiration et de louange, dès qu’elle paraissait. Eux, cependant, s’ils avaient semblé ignorer l’hostilité première, devinaient bien maintenant le pardon et l’amitié attendrie dont ils étaient entourés ; et cela les rendait plus beaux, leur bonheur riait à la ville entière.

Une après-midi, comme Pascal et Clotilde tournaient l’angle de la rue de la Banne, ils aperçurent, sur l’autre trottoir, le docteur Ramond. La veille, justement, ils avaient appris qu’il se décidait à épouser mademoiselle Lévêque, la fille de l’avoué. C’était à coup sûr le parti le plus raisonnable, car l’intérêt de sa situation ne lui permettait pas d’attendre davantage, et la jeune fille, fort jolie et fort riche, l’aimait. Lui-même l’aimerait certainement. Aussi Clotilde fut-elle très heureuse de lui sourire, pour le féliciter, en cordiale amie. D’un geste affectueux, Pascal l’avait salué. Un instant, Ramond, un peu remué par la rencontre, demeura perplexe. Il avait eu un premier mouvement, sur le point de traverser la