Page:Emile Zola - Le Docteur Pascal.djvu/223

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Bonhomme, ils firent à la gare une rencontre. Le train qu’ils attendaient venait des Tulettes. Sainte-Marthe était la première station, dans le sens opposé, vers Marseille. Et, le train arrivé, ils se précipitaient, ils ouvraient une portière, lorsqu’ils virent descendre la vieille madame Rougon du compartiment, qu’ils croyaient vide. Elle ne leur parlait plus, elle descendit d’un saut léger, malgré son âge, puis s’en alla, l’air raide et très digne.

— C’est le premier juillet, dit Clotilde quand le train fut en marche. Grand’mère revient des Tulettes faire sa visite de chaque mois à Tante Dide… As-tu vu le regard qu’elle m’a jeté ?

Pascal, au fond, était heureux de cette fâcherie avec sa mère, qui le délivrait de la continuelle inquiétude de sa présence.

— Bah ! dit-il simplement, quand on ne s’entend pas, il vaut mieux ne pas se fréquenter.

Mais la jeune fille restait chagrine et songeuse. Puis, à demi-voix :

— Je l’ai trouvée changée, le visage pâli… Et, as-tu remarqué ? elle, si correcte d’habitude, n’avait qu’une main gantée, la main droite, d’un gant vert… Je ne sais pourquoi, elle m’a retourné le cœur.

Lui, alors, troublé aussi, eut un geste vague. Sa mère finirait certainement par vieillir, comme tout le monde. Elle s’agitait trop, elle se passionnait trop encore. Il raconta qu’elle projetait de léguer sa fortune à la ville de Plassans, pour qu’on bâtît une maison de retraite qui porterait le nom des Rougon. Tous deux s’étaient remis à sourire, lorsqu’il s’écria :

— Tiens ! mais c’est demain que nous allons, nous aussi, aux Tulettes, pour nos malades. Et tu sais que j’ai promis de conduire Charles à l’oncle Macquart.