Page:Emile Zola - Le Docteur Pascal.djvu/239

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

limpides, semblaient se perdre les uns dans les autres, identiques. Puis, c’était la physionomie, les traits usés de la centenaire qui, par-dessus trois générations, sautaient à cette délicate figure d’enfant, comme effacée déjà elle aussi, très vieille et finie par l’usure de la race. Ils ne s’étaient pas souri, ils se regardaient profondément, d’un air d’imbécillité grave.

— Ah bien ! continua la gardienne, qui avait pris l’habitude de se parler tout haut, pour s’égayer avec sa folle, ils ne peuvent pas se renier. Qui a fait l’un a fait l’autre. C’est tout craché… Voyons, riez un peu, amusez-vous, puisque ça vous plaît d’être ensemble.

Mais la moindre attention prolongée fatiguait Charles, et il baissa le premier la tête, il parut s’intéresser à ses images ; pendant que Tante Dide, qui avait une puissance étonnante de fixité, continuait à le regarder indéfiniment, sans un battement de paupières.

Un instant, la gardienne s’occupa, dans la petite chambre, pleine de soleil, tout égayée par son papier clair, à fleurs bleues. Elle refit le lit qui prenait l’air, elle rangea du linge sur les planches de l’armoire. D’habitude, elle profitait de la présence du petit, pour se donner un peu de bon temps. Jamais elle ne devait quitter sa pensionnaire ; et, quand il était là, elle avait fini par oser la lui confier.

— Écoutez bien, reprit-elle, il faut que je sorte, et si elle remuait, si elle avait besoin de moi, vous sonneriez, vous m’appelleriez tout de suite, n’est-ce pas ?… Vous comprenez, vous êtes assez grand garçon pour savoir appeler quelqu’un.

Il avait relevé la tête, il fit signe qu’il avait compris et qu’il appellerait. Et, quand il se trouva seul avec Tante Dide, il se remit à ses images, sagement. Cela dura un quart d’heure, dans le profond silence de l’Asile, où l’on