Page:Emile Zola - Le Docteur Pascal.djvu/242

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comme si elle avait senti son crâne éclater. Sa bouche s’était ouverte toute grande, et il n’en sortit aucun son : l’effrayant tumulte qui montait en elle lui paralysait la langue. Elle s’efforça de se lever, de courir ; mais elle n’avait plus de muscles, elle resta clouée. Tout son pauvre corps tremblait, dans l’effort surhumain qu’elle faisait ainsi pour crier à l’aide, sans pouvoir rompre sa prison de sénilité et de démence. La face bouleversée, la mémoire éveillée, elle dut tout voir.

Et ce fut une agonie lente et très douce, dont le spectacle dura encore de longues minutes. Charles, comme rendormi, silencieux à présent, achevait de perdre le sang de ses veines, qui se vidaient sans fin, à petit bruit. Sa blancheur de lis augmentait, devenait une pâleur de mort. Les lèvres se décoloraient, passaient à un rose blême ; puis, les lèvres furent blanches. Et, près d’expirer, il ouvrit ses grands yeux, il les fixa sur la trisaïeule, qui put y suivre la lueur dernière. Toute la face de cire était morte déjà, lorsque les yeux vivaient encore. Ils gardaient une limpidité, une clarté. Brusquement, ils se vidèrent, ils s’éteignirent. C’était la fin, la mort des yeux ; et Charles était mort sans une secousse, épuisé comme une source dont toute l’eau s’est écoulée. La vie ne battait plus dans les veines de sa peau délicate, il n’y avait plus que l’ombre des cils, sur sa face blanche. Mais il restait divinement beau, la tête couchée dans le sang, au milieu de sa royale chevelure blonde épandue, pareil à un de ces petits dauphins exsangues, qui n’ont pu porter l’exécrable héritage de leur race, et qui s’endorment de vieillesse et d’imbécillité, dès leurs quinze ans.

L’enfant venait d’exhaler son dernier petit souffle, lorsque le docteur Pascal entra, suivi de Félicité et de Clotilde. Et, dès qu’il eut vu la quantité de sang, dont le carreau était inondé :