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X


Martine, un matin, comme tous les trimestres, se fit donner par le docteur Pascal un reçu de quinze cents francs, pour aller toucher ce qu’elle appelait « leurs rentes », chez le notaire Grandguillot. Il parut surpris que l’échéance fût si tôt revenue : jamais il ne s’était désintéressé à ce point des questions d’argent, se déchargeant sur elle du souci de tout régler. Et il était avec Clotilde, sous les platanes, dans leur unique joie de vivre, rafraîchis délicieusement par l’éternelle chanson de la source, lorsque la servante revint, effarée, en proie à une émotion extraordinaire.

Elle ne put parler tout de suite, tellement le souffle lui manquait.

— Ah ! mon Dieu ! ah ! mon Dieu… M. Grandguillot est parti !

Pascal ne comprit pas d’abord.

— Eh bien ! ma fille, rien ne presse, vous y retournerez un autre jour.

— Mais non ! mais non ! il est parti, entendez-vous, parti tout à fait…

Et, comme dans la rupture d’une écluse, les mots jaillirent, sa violente émotion se vida.

— J’arrive dans la rue, je vois de loin du monde devant la porte… Le petit froid me prend, je sens qu’il est arrivé un malheur. Et la porte fermée, pas une persienne