Page:Emile Zola - Le Docteur Pascal.djvu/262

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lèrent, personne ne vint, il n’y avait plus à la maison que six francs, de quoi vivre deux ou trois jours encore.

Martine, le lendemain, comme elle rentrait les mains vides, d’une nouvelle démarche chez un ancien client, prit Clotilde à part, pour lui raconter qu’elle venait de causer avec madame Félicité, au coin de la rue de la Banne. Celle-ci, sans doute, la guettait. Elle ne remettait toujours pas les pieds à la Souleiade. Même le malheur qui frappait son fils, cette perte brusque d’argent dont parlait toute la ville, ne l’avait pas rapprochée de lui. Mais elle attendait dans un frémissement passionné, elle ne gardait son attitude de mère rigoriste, ne pactisant pas avec certaines fautes, que certaine de tenir enfin Pascal à sa merci, comptant bien qu’il allait être forcé de l’appeler à son aide, un jour ou l’autre. Quand il n’aurait plus un sou, qu’il frapperait à sa porte, elle dicterait ses conditions, le déciderait au mariage avec Clotilde, ou mieux encore exigerait le départ de celle-ci. Pourtant, les journées passaient, elle ne le voyait pas venir. Et c’était pourquoi elle avait arrêté Martine, prenant une mine apitoyée, demandant des nouvelles, paraissant s’étonner qu’on n’eût point recours à sa bourse, tout en donnant à comprendre que sa dignité l’empêchait de faire le premier pas.

— Vous devriez en parler à monsieur et le décider, conclut la servante. En effet, pourquoi ne s’adresserait-il pas à sa mère ? Ce serait tout naturel.

Clotilde se révolta.

— Oh ! jamais ! je ne me charge pas d’une commission pareille. Maître se fâcherait, et il aurait raison. Je crois bien qu’il se laisserait mourir de faim plutôt que de manger le pain de grand’mère.

Alors, le surlendemain soir, au dîner, comme Martine leur servait un reste de bouilli, elle les prévint.