Page:Emile Zola - Le Docteur Pascal.djvu/270

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— Nous nous passerons bien de toi, répétait Clotilde. Puisque les pommes de terre sont sur le feu, nous les prendrons nous-mêmes.

La servante, de méchante humeur, céda. Elle mâchait de sourdes paroles : quand on a tout mangé, à quoi bon se mettre à table ? Puis, avant de s’enfermer dans sa chambre :

— Monsieur, il n’y a plus d’avoine pour Bonhomme. Je lui ai trouvé l’air drôle, et monsieur devrait aller le voir.

Tout de suite, Pascal et Clotilde, pris d’inquiétude, se rendirent à l’écurie. Le vieux cheval, en effet, était couché sur sa litière, somnolent. Depuis six mois, on ne l’avait plus sorti, à cause de ses jambes, envahies de rhumatismes ; et il était devenu complètement aveugle. Personne ne comprenait pourquoi le docteur conservait cette vieille bête, Martine elle-même en arrivait à dire qu’on devait l’abattre, par simple pitié. Mais Pascal et Clotilde se récriaient, s’émotionnaient, comme si on leur eût parlé d’achever un vieux parent, qui ne s’en irait pas assez vite. Non, non ! il les avait servis pendant plus d’un quart de siècle, il mourrait chez eux, de sa belle mort, en brave homme qu’il avait toujours été ! Et, ce soir-là, le docteur ne dédaigna pas de l’examiner soigneusement. Il lui souleva les pieds, lui regarda les gencives, écouta les battements du cœur.

— Non, il n’a rien, finit-il par dire. C’est la vieillesse, simplement… Ah ! mon pauvre vieux, nous ne courrons plus les chemins ensemble !

L’idée qu’il manquait d’avoine tourmentait Clotilde. Mais Pascal la rassura : il fallait si peu de chose, à une bête de cet âge, qui ne travaillait plus ! Elle prit alors une poignée d’herbe, au tas que la servante avait laissé là ; et ce fut une joie pour tous les deux, lorsque Bon-