Page:Emile Zola - Le Docteur Pascal.djvu/279

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mille francs de tous les bijoux. De nouveau, il réprima un geste de désespoir : six mille francs ! lorsque ces bijoux lui en avaient coûté plus du triple, une vingtaine de mille francs au moins.

— Écoute, finit-il par dire, je prends cet argent, puisque c’est ton bon cœur qui l’apporte. Mais il est bien convenu qu’il est à toi. Je te jure d’être à mon tour plus avare que Martine, je ne lui donnerai que les quelques sous indispensables à notre entretien, et tu retrouveras dans le secrétaire tout ce qui restera de la somme, en admettant que je ne puisse même jamais la recompléter et te la rendre entière.

Il s’était assis, il la gardait sur ses genoux, dans une étreinte encore frémissante d’émotion. Puis, baissant la voix, à l’oreille :

— Et tu as tout vendu, absolument tout ?

Sans parler, elle se dégagea un peu, elle fouilla du bout des doigts dans sa gorge, de son geste joli. Rougissante, elle souriait. Enfin, elle tira la chaîne mince où luisaient les sept perles, comme des étoiles laiteuses ; et il sembla qu’elle sortait un peu de sa nudité intime, que tout le bouquet vivant de son corps s’exhalait de cet unique bijou, gardé sur sa peau, dans le mystère le plus caché de sa personne. Tout de suite, elle le rentra, le fit disparaître.

Lui, rougissant comme elle, avait eu au cœur un grand coup de joie. Et il l’embrassa éperdument.

— Ah ! que tu es gentille, et que je t’aime !

Mais, dès le soir, le souvenir des bijoux vendus resta comme un poids sur son cœur ; et il ne pouvait voir l’argent, dans son secrétaire, sans souffrance. C’était la pauvreté prochaine, la pauvreté inévitable qui l’oppressait ; c’était une détresse plus angoissante encore, la pensée de son âge, ses soixante ans qui le rendaient inutile, incapable de gagner la vie heureuse d’une femme, tout un réveil à