Page:Emile Zola - Le Docteur Pascal.djvu/289

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sa table. Depuis de longues semaines, il n’avait plus ouvert un livre ni touché une plume.

— Tiens ! tu travailles ?

Il ne leva pas la tête, répondit d’un air absorbé :

— Oui, c’est cet Arbre généalogique que je n’ai pas même mis au courant.

Pendant quelques minutes, elle resta debout derrière lui, à le regarder écrire. Il complétait les notices de Tante Dide, de l’oncle Macquart et du petit Charles, inscrivait leur mort, mettait les dates. Puis, comme il ne bougeait toujours pas, ayant l’air d’ignorer qu’elle était là, à attendre les baisers et les rires des autres matins, elle marcha jusqu’à la fenêtre, en revint, désœuvrée.

— Alors, c’est sérieux, on travaille ?

— Sans doute, tu vois que j’aurais dû, depuis le mois dernier, consigner ces morts. Et j’ai là un tas de besognes qui m’attendent.

Elle le regardait fixement, de l’air de continuelle interrogation dont elle fouillait ses yeux.

— Bien ! travaillons… Si tu as des recherches que je puisse faire, des notes à copier, donne-les-moi.

Et, dès ce jour, il affecta de se rejeter tout entier dans le travail. C’était, d’ailleurs, une de ses théories, que l’absolu repos ne valait rien, qu’on ne devait jamais le prescrire, même aux surmenés. Un homme ne vit que par le milieu extérieur où il baigne ; et les sensations qu’il en reçoit se transforment chez lui en mouvement, en pensées et en actes ; de sorte que, s’il y a repos absolu, si l’on continue à recevoir les sensations sans les rendre, digérées et transformées, il se produit un engorgement, un malaise, une perte inévitable d’équilibre. Lui, toujours, avait expérimenté que le travail était le meilleur régulateur de son existence. Même les matins de santé mauvaise, il se mettait au travail, il y retrouvait son