Page:Emile Zola - Le Docteur Pascal.djvu/291

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Et, un matin, brusquement, il leva la tête, il dit à sa compagne, qui recopiait un manuscrit, à son côté :

— Écoute bien, Clotilde… Si je mourais…

Effarée, elle protesta.

— En voilà une idée !

— Si je mourais, écoute bien… Tu fermerais tout de suite les portes. Tu garderais les dossiers pour toi, pour toi seule. Et, lorsque tu aurais rassemblé mes autres manuscrits, tu les remettrais à Ramond… Entends-tu ! ce sont là mes dernières volontés.

Mais elle lui coupait la parole, refusait de l’écouter.

— Non ! non ! tu dis des bêtises !

— Clotilde, jure-moi que tu garderas les dossiers et que tu remettras mes autres papiers à Ramond.

Enfin, elle jura, devenue sérieuse et les yeux en larmes. Il l’avait saisie entre ses bras, très ému lui aussi, la couvrant de caresses, comme si son cœur, tout d’un coup, se fût rouvert. Puis, il se calma, parla de ses craintes. Depuis qu’il s’efforçait de travailler, elles paraissaient le reprendre, il faisait le guet autour de l’armoire, il prétendait avoir vu rôder Martine. Ne pouvait-on mettre en branle la dévotion aveugle de cette fille, la pousser à une mauvaise action, en lui persuadant qu’elle sauvait son maître ? Il avait tant souffert du soupçon ! Il retombait, sous la menace de la solitude prochaine, à son tourment, à cette torture du savant menacé, persécuté par les siens, chez lui, dans sa chair même, dans l’œuvre de son cerveau.

Un soir qu’il revenait sur ce sujet, avec Clotilde, il laissa échapper :

— Tu comprends, quand tu ne vas plus être là…

Elle devint toute blanche ; et, voyant qu’il s’arrêtait, frissonnant :

— Oh ! maître, maître ! tu y songes donc toujours, à