Page:Emile Zola - Le Docteur Pascal.djvu/306

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instants, elle oubliait qu’elle partait. Tout d’un coup, l’affreuse certitude lui revint. Une dernière fois, elle le regarda, sans qu’il ouvrît les bras, pour la retenir. C’était fini. Et elle n’eut plus qu’une face morte, foudroyée.

D’abord, ils échangèrent les banales paroles.

— Tu m’écriras, n’est-ce pas ?

— Certainement, et toi, donne-moi de tes nouvelles le plus souvent possible.

— Surtout, si tu étais malade, rappelle-moi tout de suite.

— Je te le promets. Mais, n’aie pas peur, je suis solide.

Puis, au moment de quitter cette maison si chère, Clotilde l’enveloppa toute d’un regard vacillant. Et elle s’abattit sur la poitrine de Pascal, elle le garda entre ses bras, balbutiante.

— Je veux t’embrasser ici, je veux te remercier… Maître, c’est toi qui m’as faite ce que je suis. Comme tu l’as répété souvent, tu as corrigé mon hérédité. Que serais-je devenue, là-bas, dans le milieu où a grandi Maxime ?… Oui, si je vaux quelque chose, je le dois à toi seul, à toi qui m’as transplantée dans cette maison de vérité et de bonté, où tu m’as fait pousser digne de ta tendresse… Aujourd’hui, après m’avoir prise et comblée de tes biens, tu me renvoies. Que ta volonté soit faite, tu es mon maître, et je t’obéis. Je t’aime quand même, je t’aimerai toujours.

Il la serra sur son cœur, il répondit :

— Je ne désire que ton bien, j’achève mon œuvre.

Et, dans le dernier baiser, le baiser déchirant qu’ils échangèrent, elle soupira, à voix très basse :

— Ah ! si l’enfant était venu !

Plus bas encore, en un sanglot, elle crut l’entendre bégayer des mots indistincts.

— Oui, l’œuvre rêvée, la seule vraie et bonne, l’œuvre que je n’ai pu faire… Pardonne-moi, tâche d’être heureuse.