Page:Emile Zola - Le Docteur Pascal.djvu/331

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

tilde, celle où tous deux s’étaient aimés, où lui n’entrait plus qu’avec un frisson religieux. Et il fallut que Martine eût cette dernière abnégation, qu’elle l’aidât à se lever, qu’elle le soutînt, le conduisît, chancelant, jusqu’au lit tiède encore. Il avait pris, sous son oreiller, la clef de l’armoire, qu’il gardait là, chaque nuit ; et il remit cette clef sous l’autre oreiller, pour veiller sur elle, tant qu’il serait vivant. Le petit jour naissait à peine, la servante avait posé la bougie sur la table.

— À présent que me voilà couché, et que je respire un peu mieux, tu vas me faire le plaisir de courir chez le docteur Ramond… Tu le réveilleras, tu le ramèneras avec toi.

Elle partait, lorsqu’il fut saisi d’une crainte.

— Et, surtout, je te défends d’aller avertir ma mère.

Embarrassée, suppliante, elle revint vers lui.

— Oh ! monsieur, madame Félicité qui m’a tant fait lui promettre…

Mais il fut inflexible. Toute sa vie, il s’était montré déférent pour sa mère, et il croyait avoir acquis le droit de se protéger contre elle, au moment de sa mort. Il refusait de la voir. La servante dut lui jurer d’être muette. Alors, seulement, il retrouva un sourire.

— Va vite… Oh ! tu me reverras, ce n’est pas pour maintenant.

Le jour se levait enfin, un petit jour triste, dans une pâle matinée de novembre. Pascal avait fait ouvrir les volets ; et, quand il se trouva seul, il regarda croître cette lumière, celle de la dernière journée qu’il vivrait sans doute. La veille, il avait plu, le soleil était resté voilé, tiède encore. Des platanes voisins, il entendait venir tout un réveil d’oiseaux, tandis que, très loin, au fond de la campagne ensommeillée, une locomotive sifflait, d’une plainte continue. Et il était seul, seul, dans la grande