Page:Emile Zola - Le Docteur Pascal.djvu/334

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

Et, comme le jeune homme voulait protester, prêt à la discussion :

— Non, ne mentez pas. Vous avez assisté à la crise, vous êtes renseigné aussi bien que moi… Tout va désormais se passer d’une façon mathématique ; et, heure par heure, je pourrais vous décrire les phases du mal…

Il s’interrompit pour respirer difficilement ; puis, il ajouta :

— D’ailleurs, tout est bien, je suis content… Clotilde sera ici à cinq heures, je ne demande plus qu’à la voir et à mourir entre ses bras.

Bientôt pourtant, il éprouva un mieux sensible. L’effet de la piqûre était vraiment miraculeux ; et il put s’asseoir sur le lit, le dos appuyé contre des oreillers. La voix redevenait facile, jamais la lucidité du cerveau n’avait paru plus grande.

— Vous savez, maître, dit Ramond, que je ne vous quitte pas. J’ai prévenu ma femme, nous allons passer la journée ensemble ; et, quoi que vous en disiez, j’espère bien que ce ne sera pas la dernière… N’est-ce pas ? vous permettez que je m’installe comme chez moi.

Pascal souriait. Il donna des ordres à Martine, il voulut qu’elle s’occupât du déjeuner, pour Ramond. Si l’on avait besoin d’elle, on l’appellerait. Et les deux hommes restèrent seuls dans une bonne intimité de causerie, l’un couché, avec sa grande barbe blanche, discourant comme un sage, l’autre assis au chevet, écoutant, montrant la déférence d’un disciple.

— En vérité, murmura le maître, comme s’il se fût parlé à lui-même, c’est extraordinaire, l’effet de ces piqûres…

Puis, haussant la voix, presque gaiement :

— Mon ami Ramond, ce n’est peut-être pas un gros cadeau que je vous fais, mais je vais vous laisser mes