Page:Emile Zola - Le Docteur Pascal.djvu/357

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comprendre comment la foudre du ciel n’est pas encore tombée sur ces papiers, pour les mettre en cendres. Si on les laisse sortir d’ici, c’est la peste, le déshonneur, et c’est l’enfer à jamais !

Toute pâle, Martine l’écoutait.

— Alors, Madame croit que ce serait une bonne œuvre de les détruire, une œuvre qui assurerait le repos de l’âme de monsieur ?

— Grand Dieu ! si je le crois !… Mais, si nous les avions, ces affreuses paperasses, tenez ! c’est dans ce feu que je les jetterais. Ah ! vous n’auriez pas besoin d’ajouter d’autres sarments, rien qu’avec les manuscrits de là-haut, il y a de quoi faire rôtir trois poulets comme celui-ci.

La servante avait pris une longue cuiller pour arroser la bête. Elle aussi, maintenant, semblait réfléchir.

— Seulement, nous ne les avons pas… J’ai même, à ce propos, entendu une conversation que je puis bien répéter à madame… C’est quand mademoiselle Clotilde est montée dans la chambre. Le docteur Ramond lui a demandé si elle se souvenait des ordres qu’elle avait reçus, avant son départ sans doute ; et elle a dit qu’elle se souvenait, qu’elle devait garder les dossiers et lui donner tous les autres manuscrits.

Félicité, frémissante, ne put retenir un geste d’inquiétude. Déjà, elle voyait les papiers lui échapper ; et ce n’étaient pas les dossiers seulement qu’elle voulait, mais toutes les pages écrites, toute cette œuvre inconnue, louche et ténébreuse, dont il ne pouvait sortir que du scandale, d’après son cerveau obtus et passionné de vieille bourgeoise orgueilleuse.

— Il faut agir ! cria-t-elle, agir cette nuit même ! Demain peut-être serait-il trop tard.

— Je sais bien où est la clef de l’armoire, reprit Martine à demi-voix. Le médecin l’a dit à mademoiselle.