Page:Emile Zola - Le Docteur Pascal.djvu/359

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L’idée lui était bien venue déjà de forcer l’armoire. Mais les vieux bâtis de chêne semblaient inébranlables, les vieilles ferrures tenaient solidement. Avec quoi briser la serrure ? sans compter qu’on ferait un bruit terrible et que ce bruit s’entendrait certainement de la chambre voisine.

Elle s’était cependant plantée devant les portes épaisses, les tâtait des doigts, cherchait les places faibles.

— Si j’avais un outil…

Martine, moins passionnée, l’interrompit en se récriant.

— Oh ! non, non, madame ! on nous surprendrait !… Attendez, peut-être que mademoiselle dort.

Elle retourna dans la chambre, sur la pointe des pieds, et revint tout de suite.

— Mais oui, elle dort !… Ses yeux sont fermés, elle ne bouge plus.

Alors, toutes deux allèrent la voir, retenant leur souffle, évitant le moindre craquement du parquet, avec des soins infinis. Clotilde, en effet, venait de s’endormir, et son anéantissement paraissait tel, que les deux vieilles femmes s’enhardissaient. Mais elles craignaient pourtant de l’éveiller, si elles la frôlaient, car elle avait sa chaise placée contre le lit même. Et c’était aussi un acte sacrilège et terrible, dont l’épouvante les prenait, que de glisser la main sous l’oreiller du mort et de le voler. N’allait-il pas falloir le déranger dans son repos ? ne remuerait-il pas, sous la secousse ? Cela les faisait pâlir.

Félicité, déjà, s’était avancée, le bras tendu. Mais elle recula.

— Je suis trop petite, bégaya-t-elle. Essayez donc, vous, Martine.

La servante, à son tour, s’approcha du lit. Elle fut prise d’un tel tremblement, qu’elle dut, elle aussi, revenir en arrière, pour ne pas tomber.