Page:Emile Zola - Le Docteur Pascal.djvu/374

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maigres, ils s’étaient tant de fois défiés à grimper lestement, comme des gamins en fuite de l’école ! et il y avait encore la pinède, l’ombre chaude et embaumée, où les aiguilles craquaient sous les pas, l’aire immense, tapissée d’une herbe moelleuse aux épaules, d’où l’on découvrait le ciel entier, le soir, quand se levaient les étoiles ! et il y avait surtout les platanes géants, la paix délicieuse qu’ils étaient venus goûter là, chaque jour d’été, en écoutant la chanson rafraîchissante de la source, la pure note de cristal qu’elle filait depuis des siècles ! Jusqu’aux vieilles pierres de la maison, jusqu’à la terre du sol, il n’était pas un atome, à la Souleiade, où elle ne sentit le battement tiède d’un peu de leur sang, d’un peu de leur vie répandue et mêlée.

Mais elle préférait passer ses journées dans la salle de travail, et c’était là qu’elle revivait ses meilleurs souvenirs. Il ne s’y trouvait aussi qu’un meuble de plus, le berceau. La table du docteur était à sa place, devant la fenêtre de gauche : il aurait pu entrer et s’asseoir, car la chaise n’avait pas même été bougée. Sur la longue table du milieu, parmi l’ancien entassement des livres et des brochures, il n’y avait de nouveau que la note claire des petits linges d’enfant, qu’elle était en train de visiter. Les corps de bibliothèque montraient les mêmes rangées de volumes, la grande armoire de chêne semblait garder dans ses flancs le même trésor, solidement close. Sous le plafond enfumé, la bonne odeur de travail flottait toujours, parmi la débandade des sièges, le désordre amical de cet atelier en commun, où ils avaient si longtemps mis les caprices de la jeune fille et les recherches du savant. Et, surtout, ce qui la touchait aujourd’hui, c’était de revoir ses anciens pastels, cloués aux murs, les copies qu’elle avait faites de fleurs vivantes, minutieusement copiées, puis les imaginations envolées en plein