Page:Emile Zola - Le Docteur Pascal.djvu/388

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Que serait-il, l’enfant ? Elle le regardait, elle tâchait de lui trouver des ressemblances. De son père, certes, il avait le front et les yeux, quelque chose de haut et de solide dans la carrure de la tête. Elle-même se reconnaissait en lui, avec sa bouche fine et son menton délicat. Puis, sourdement inquiète, c’étaient les autres qu’elle cherchait, les terribles ascendants, tous ceux qui étaient là, inscrits sur l’Arbre, déroulant la poussée des feuilles héréditaires. Était-ce donc à celui-ci, à celui-là, ou à cet autre encore, qu’il ressemblerait ? Et elle se calmait pourtant, elle ne pouvait pas ne pas espérer, tellement son cœur était gonflé de l’éternelle espérance. La foi en la vie, que le maître avait enracinée en elle, la tenait brave, debout, inébranlable. Qu’importaient les misères, les souffrances, les abominations ! la santé était dans l’universel travail, dans la puissance qui féconde et qui enfante. L’œuvre était bonne, quand il y avait l’enfant, au bout de l’amour. Dès lors, l’espoir se rouvrait, malgré les plaies étalées, le noir tableau des hontes humaines. C’était la vie perpétuée, tentée encore, la vie qu’on ne se lasse pas de croire bonne, puisqu’on la vit avec tant d’acharnement, au milieu de l’injustice et de la douleur.

Clotilde avait eu un regard involontaire sur l’Arbre des ancêtres, déployé près d’elle. Oui ! la menace était là, tant de crimes, tant de boue, parmi tant de larmes et tant de bonté souffrante ! Un si extraordinaire mélange de l’excellent et du pire, une humanité en raccourci, avec toutes ses tares et toutes ses luttes ! C’était à se demander si, d’un coup de foudre, il n’aurait pas mieux valu balayer cette fourmilière gâtée et misérable. Et, après tant de Rougon terribles, après tant de Macquart abominables, il en naissait encore un. La vie ne craignait pas d’en créer un de plus, dans le défi brave de son éternité. Elle poursuivait son œuvre, se propageait selon ses