Page:Emile Zola - Le Docteur Pascal.djvu/48

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Il l’écoutait en souriant, heureux de la voir s’animer, et il caressa de la main les boucles de ses cheveux blonds.

— Oui, oui, je sais, tu es comme les autres, tu ne peux vivre sans illusion et sans mensonge… Enfin, va, nous nous entendrons quand même. Porte-toi bien, c’est la moitié de la sagesse et du bonheur.

Puis, changeant de conversation :

— Voyons, tu vas pourtant m’accompagner et m’aider dans ma tournée de miracles… C’est jeudi, mon jour de visites. Quand la chaleur sera un peu tombée, nous sortirons ensemble.

Elle refusa d’abord, pour paraître ne pas céder ; et elle finit par consentir, en voyant la peine qu’elle lui faisait. D’habitude, elle l’accompagnait. Ils restèrent longtemps sous les platanes, jusqu’au moment où le docteur monta s’habiller. Lorsqu’il redescendit, correctement serré dans une redingote, coiffé d’un chapeau de soie à larges bords, il parla d’atteler Bonhomme, le cheval qui, pendant un quart de siècle, l’avait mené à ses visites. Mais la pauvre vieille bête devenait aveugle, et par reconnaissance pour ses services, par tendresse pour sa personne, on ne le dérangeait plus guère. Ce soir-là, il était tout endormi, l’œil vague, les jambes percluses de rhumatismes. Aussi le docteur et la jeune fille, étant allés le voir dans l’écurie, lui mirent-ils un gros baiser à gauche et à droite des naseaux, en lui disant de se reposer sur une botte de bonne paille, que la servante apporta. Et ils décidèrent qu’ils iraient à pied.

Clotilde, gardant sa robe de toile blanche, à pois rouges, avait simplement noué sur ses cheveux un large chapeau de paille, couvert d’une touffe de lilas ; et elle était charmante, avec ses grands yeux, son visage de lait et de rose, dans l’ombre des vastes bords. Quand elle sortait ainsi, au bras de Pascal, elle mince, élancée et si jeune, lui