Page:Emile Zola - Le Docteur Pascal.djvu/8

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

l’instruction de la jeune fille, de lui donner en toutes choses des idées précises et saines. Depuis près de dix-huit ans qu’ils vivaient ainsi tous les trois, retirés à la Souleiade, une propriété située dans un faubourg de la ville, à un quart d’heure de Saint-Saturnin, la cathédrale, la vie avait coulé heureuse, occupée à de grands travaux cachés, un peu troublée pourtant par un malaise qui grandissait, le heurt de plus en plus violent de leurs croyances.

Pascal se promena un instant, assombri. Puis, en homme qui ne mâchait pas ses mots :

— Vois-tu, chérie, toute cette fantasmagorie du mystère a gâté ta jolie cervelle… Ton bon Dieu n’avait pas besoin de toi, j’aurais dû te garder pour moi tout seul, et tu ne t’en porterais que mieux.

Mais Clotilde, frémissante, ses clairs regards hardiment fixés sur les siens, lui tenait tête.

— C’est toi, maître, qui te porterais mieux, si tu ne t’enfermais pas dans tes yeux de chair… Il y a autre chose, pourquoi ne veux-tu pas voir ?

Et Martine vint à son aide, en son langage.

— C’est bien vrai, monsieur, que vous qui êtes un saint, comme je le dis partout, vous devriez nous accompagner à l’église… Sûrement, Dieu vous sauvera. Mais, à l’idée que vous pourriez ne pas aller droit en paradis, j’en ai tout le corps qui tremble.

Il s’était arrêté, il les avait devant lui toutes deux, en pleine rébellion, elles si dociles, à ses pieds d’habitude, d’une tendresse de femmes conquises par sa gaieté et sa bonté. Déjà, il ouvrait la bouche, il allait répondre rudement, lorsque l’inutilité de la discussion lui apparut.

— Tenez ! fichez-moi la paix. Je ferai mieux d’aller travailler… Et, surtout, qu’on ne me dérange pas !

D’un pas leste, il gagna sa chambre, où il avait installé