Page:Emile Zola - Le Docteur Pascal.djvu/87

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tine. Il descendit, un matin, de bonne heure, comme elle balayait la salle à manger.

— Vous savez que je vous laisse libres, Clotilde et vous, d’aller à l’église, si cela vous plaît. Je n’entends peser sur la conscience de personne… Mais je ne veux pas que vous me la rendiez malade.

La servante, sans arrêter son balai, répondit sourdement :

— Les gens malades sont peut-être bien ceux qui ne croient pas l’être.

Elle avait dit cela d’un tel air de conviction, qu’il se mit à sourire.

— Oui, c’est moi qui suis l’esprit infirme, dont vous implorez la conversion, tandis que vous autres possédez la bonne santé et l’entière sagesse… Martine, si vous continuez à me torturer et à vous torturer vous-mêmes, je me fâcherai.

Il avait parlé d’une voix si désespérée et si rude, que la servante s’arrêta du coup, le regarda en face. Une tendresse infinie, une désolation intense passèrent sur son visage usé de vieille fille, cloîtrée dans son service. Et des larmes emplirent ses yeux, elle se sauva en bégayant :

— Ah ! Monsieur, vous ne nous aimez pas !

Alors, Pascal resta désarmé, envahi d’une tristesse croissante. Son remords augmentait de s’être montré tolérant, de n’avoir pas dirigé en maître absolu l’éducation et l’instruction de Clotilde. Dans sa croyance que les arbres poussaient droit, quand on ne les gênait point, il lui avait permis de grandir à sa guise, après lui avoir appris simplement à lire et à écrire. C’était sans plan conçu à l’avance, uniquement par le train coutumier de leur vie, qu’elle avait à peu près tout lu et qu’elle s’était passionnée pour les sciences naturelles, en l’aidant à faire des