Page:Emile Zola - Le Docteur Pascal.djvu/95

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heur en un jour !… La science nous les a promis, et, si elle ne nous les donne pas, elle fait faillite.

Alors, il commença lui-même à se passionner.

— Mais c’est fou, petite fille, ce que tu dis là ! La science n’est pas la révélation. Elle marche de son train humain, sa gloire est dans son effort même… Et puis, ce n’est pas vrai, la science n’a pas promis le bonheur.

Vivement, elle l’interrompit.

— Comment, pas vrai ! Ouvre donc tes livres, là-haut. Tu sais bien que je les ai lus. Ils en débordent, de promesses ! À les lire, il semble qu’on marche à la conquête de la terre et du ciel. Ils démolissent tout et ils font le serment de tout remplacer ; et cela par la raison pure, avec solidité et sagesse… Sans doute, je suis comme les enfants. Quand on m’a promis quelque chose, je veux qu’on me le donne. Mon imagination travaille, il faut que l’objet soit très beau, pour me contenter… Mais c’était si simple, de ne rien me promettre ! Et surtout, à cette heure, devant mon désir exaspéré et douloureux, il serait mal de me dire qu’on ne m’a rien promis.

Il eut un nouveau geste de protestation, dans la grande nuit sereine.

— En tout cas, continua-t-elle, la science a fait table rase, la terre est nue, le ciel est vide, et qu’est-ce que tu veux que je devienne, même si tu innocentes la science des espoirs que j’ai conçus ?… Je ne puis pourtant pas vivre sans certitude et sans bonheur. Sur quel terrain solide vais-je bâtir ma maison, du moment qu’on a démoli le vieux monde et qu’on se presse si peu de construire le nouveau ? Toute la cité antique a craqué, dans cette catastrophe de l’examen et de l’analyse ; et il n’en reste rien qu’une population affolée battant les ruines, ne sachant sur quelle pierre poser sa tête, campant sous l’orage, exigeant le refuge solide et défi-