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LE VENTRE DE PARIS.

ment dans une marmite d’eau bouillante. Il parut tout soulagé, il n’avait plus qu’à le laisser cuire.

— Et l’homme, et l’homme ? murmura de nouveau Pauline, rouvrant les yeux, surprise de ne plus entendre le cousin parler.

Florent la berçait sur son genou, ralentissant encore son récit, le murmurant comme un chant de nourrice.

— L’homme, dit-il, parvint à une grande ville. On le prit d’abord pour un forçat évadé ; il fut retenu plusieurs mois en prison… Puis on le relâcha, il fit toutes sortes de métiers, tint des comptes, apprit à lire aux enfants ; un jour même, il entra, comme homme de peine, dans des travaux de terrassement… L’homme rêvait toujours de revenir dans son pays. Il avait économisé l’argent nécessaire, lorsqu’il eut la fièvre jaune. On le crut mort, on s’était partagé ses habits ; et quand il en réchappa, il ne retrouva pas même une chemise… Il fallut recommencer. L’homme était très-malade. Il avait peur de rester là-bas… Enfin, l’homme put partir, l’homme revint.

La voix avait baissé de plus en plus. Elle mourut, dans un dernier frisson des lèvres. La petite Pauline dormait, ensommeillée par la fin de l’histoire, la tête abandonnée sur l’épaule du cousin. Il la soutenait du bras, il la berçait encore du genou, insensiblement, d’une façon douce. Et, comme on ne faisait plus attention à lui, il resta là, sans bouger, avec cette enfant endormie.

C’était le grand coup de feu, comme disait Quenu. Il retirait le boudin de la marmite. Pour ne point crever ni nouer les bouts ensemble, il les prenait avec un bâton, les enroulait, les portait dans la cour, où ils devaient sécher rapidement sur des claies. Léon l’aidait, soutenait les bouts trop longs. Ces guirlandes de boudin, qui traversaient la cuisine, toutes suantes, laissaient des traînées d’une fumée forte qui achevaient d’épaissir l’air. Auguste, donnant un