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LE VENTRE DE PARIS.

gent, bossuant les gradins de porcelaine, que recouvrait un globe. Puis, de l’autre côté, la lueur fauve de l’or jaunissait les glaces. Une nappe de chaînes longues glissait de haut, moirée d’éclairs rouges ; les petites montres de femme, retournées du côté du boîtier, avaient des rondeurs scintillantes d’étoiles tombées ; les alliances s’enfilaient dans des tringles minces ; les bracelets, les broches, les bijoux chers luisaient sur le velours noir des écrins ; les bagues allumaient de courtes flammes bleues, vertes, jaunes, violettes, dans les grands baguiers carrés ; tandis que, à toutes les étagères, sur deux et trois rangs, des rangées de boucles d’oreilles, de croix, de médaillons, mettaient au bord du cristal des tablettes des franges riches de tabernacle. Le reflet de tout cet or éclairait la rue d’un coup de soleil, jusqu’au milieu de la chaussée. Et Cadine croyait entrer dans quelque chose de saint, dans les trésors de l’empereur. Elle examinait longuement cette forte bijouterie de poissonnières, lisant avec soin les étiquettes à gros chiffres qui accompagnaient chaque bijou. Elle se décidait pour des boucles d’oreilles, pour des poires de faux corail, accrochées à des roses d’or.

Un matin, Claude la surprit en extase devant un coiffeur de la rue Saint-Honoré. Elle regardait les cheveux d’un air de profonde envie. En haut, c’était un ruissellement de crinières, des queues molles, des nattes dénouées, des frisons en pluie, des cache-peigne à trois étages, tout un flot de crins et de soies, avec des mèches rouges qui flambaient, des épaisseurs noires, des pâleurs blondes, jusqu’à des chevelures blanches pour les amoureuses de soixante ans. En bas, les tours discrets, les anglaises toutes frisées, les chignons pommadés et peignés, dormaient dans des boîtes de carton. Et, au milieu de ce cadre, au fond d’une sorte de chapelle, sous les pointes effiloquées des cheveux accrochés, un buste de femme tournait. La femme portait une écharpe de satin cerise, qu’une broche de cuivre fixait dans