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LES ROUGON-MACQUART.

ment terrible, auquel il n’avait jamais nettement songé. Les Tuileries ne lui pardonneraient pas. Ses jambes fléchissaient, comme si le peloton d’exécution l’eût attendu. Lorsqu’il vit la rue, pourtant, il trouva assez de force dans sa vantardise pour marcher droit. Il eut même un dernier sourire, en pensant que les Halles le voyaient et qu’il mourrait bravement.

Cependant, la Sarriette et madame Lecœur étaient accourues. Quand elles eurent demandé une explication, la marchande de beurre se mit à sangloter, tandis que la nièce, très-émue, embrassait son oncle. Il la tint serrée entre ses bras, en lui remettant une clef et en lui murmurant à l’oreille :

— Prends tout, et brûle les papiers.

Il monta en fiacre, de l’air dont il serait monté sur l’échafaud. Quand la voiture eut disparu au coin de la rue Pierre-Lescot, madame Lecœur aperçut la Sarriette qui cherchait à cacher la clef dans sa poche.

— C’est inutile, ma petite, lui dit-elle les dents serrées, j’ai vu qu’il te la mettait dans la main… Aussi vrai qu’il n’y a qu’un Dieu, j’irai tout lui dire à la prison, si tu n’es pas gentille avec moi.

— Mais ma tante, je suis gentille, répondit la Sarriette avec un sourire embarrassé.

— Allons tout de suite chez lui, alors. Ce n’est pas la peine de laisser aux argousins le temps de mettre leurs pattes dans ses armoires.

Mademoiselle Saget qui avait écouté, avec des regards flamboyants, les suivit, courut derrière elles, de toute la longueur de ses petites jambes. Elle se moquait bien d’attendre Florent, maintenant. De la rue Rambuteau à la rue de la Cossonnerie, elle se fit très-humble ; elle était pleine d’obligeance, elle offrait de parler la première à la portière, madame Léonce.