Page:Emile Zola - Le Ventre de Paris.djvu/350

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
350
LES ROUGON-MACQUART.

— Tiens ! elles ont raison, répondit mademoiselle Saget. Puis, ma chère, c’est la fin, n’est-ce pas ? Il ne faut plus se manger… Vous êtes contente, vous. Laissez les autres arranger leurs affaires.

— Il n’y a que les vieilles qui rient, fit remarquer la Sarriette. La Normande n’a pas l’air gai.

Cependant, dans la chambre, Florent se laissait prendre comme un mouton. Les agents se jetèrent sur lui avec rudesse, croyant sans doute à une résistance désespérée. Il les pria doucement de le lâcher. Puis, il s’assit, pendant que les hommes emballaient les papiers, les écharpes rouges, les brassards et les guidons. Ce dénoûment ne semblait pas le surprendre ; il était un soulagement pour lui, sans qu’il voulût se le confesser nettement. Mais il souffrait, à la pensée de la haine qui venait de le pousser dans cette chambre. Il revoyait la face blême d’Auguste, les nez baissés des poissonnières ; il se rappelait les paroles de la mère Méhudin, le silence de la Normande, la charcuterie vide ; et il se disait que les Halles étaient complices, que c’était le quartier entier qui le livrait. Autour de lui, montait la boue de ces rues grasses.

Lorsque, au milieu de ces faces rondes qui passaient dans un éclair, il évoqua tout d’un coup l’image de Quenu, il fut pris au cœur d’une angoisse mortelle.

— Allons, descendez, dit brutalement un agent.

Il se leva, il descendit. Au troisième étage, il demanda à remonter ; il prétendait avoir oublié quelque chose. Les hommes ne voulurent pas, le poussèrent. Lui, se fit suppliant. Il leur offrit même quelque argent qu’il avait sur lui. Deux consentirent enfin à le reconduire à la chambre, en le menaçant de lui casser la tête, s’il essayait de leur jouer un mauvais tour. Ils sortirent leurs revolvers de leur poche. Dans la chambre, il alla droit à la cage du pinson, prit l’oiseau, le baisa entre les deux ailes, lui donna