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SON EXCELLENCE EUGÈNE ROUGON.

des princes, des princesses, de grands dignitaires, étaient rangés avec une pompe souveraine ; puis, des deux côtés, dans les bras de la croisée, des gradins montaient, le Corps diplomatique et le Sénat à droite, le Corps législatif et le Conseil d’État à gauche ; tandis que les délégations de toutes sortes s’entassaient dans le reste de la nef, et que les dames, en haut, au bord des tribunes, étalaient les vives panachures de leurs étoffes claires. Une grande buée saignante flottait. Les têtes étagées au fond, à droite, à gauche, gardaient des tons roses de porcelaine peinte. Les costumes, le satin, la soie, le velours, avaient des reflets d’un éclat sombre, comme près de s’enflammer. Des rangs entiers, tout d’un coup, prenaient feu. L’église profonde se chauffait d’un luxe inouï de fournaise.

Alors, madame Correur vit s’avancer, au milieu du chœur, un aide des cérémonies, qui cria trois fois, furieusement :

— Vive le prince impérial ! vive le prince impérial ! vive le prince impérial !

Et, dans l’immense acclamation dont les voûtes tremblèrent, madame Correur aperçut, au bord de l’estrade, l’empereur debout, dominant la foule. Il se détachait en noir sur le flamboiement d’or, que les évêques allumaient derrière lui. Il présentait au peuple le prince impérial, un paquet de dentelles blanches, qu’il tenait très-haut, de ses deux bras levés.

Mais, brusquement, un suisse écarta d’un geste madame Correur. Elle recula de deux pas, elle n’eut plus devant elle, tout près, qu’un des rideaux du porche. La vision avait disparu. Alors elle se retrouva dans le plein jour, et elle resta ahurie, croyant avoir vu quelque vieux tableau, pareil à ceux du Louvre, cuit par l’âge, empourpré et doré, avec des personnages an-